Le barème « Macron » à l’épreuve de la Cour d’Appel de Paris

Le point de départ Depuis le 24 septembre 2017 et la promulgation de l’ordonnance n° 2017-1387, les salariés dont le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse sont indemnisés selon un barème plus connu sous le nom de « barème Macron ». Depuis cette date, la gronde de plusieurs Conseils de Prud’hommes a rendu nécessaire un examen plus approfondi de ces dispositions, tant par la doctrine que par le Conseil Constitutionnel et la Cour de cassation. La question de la conformité aux normes internationales, et particulièrement à l’article 10 de la Convention n° 158 de l’organisation internationale du travail (OIT) et à l’article 24 de la Charte sociale européenne divise en effet les conseillers prud’homaux. L’avis du Conseil Constitutionnel Dans une décision du 21 mars 2018[1], le Conseil constitutionnel a jugé ce barème conforme à la Constitution. Pour fonder sa décision, il a considéré que :
  • Un objectif d’intérêt général est poursuivi par le législateur ;
  • Certes le barème prévoit des indemnisations maximales mais il est inapplicable en cas de licenciement nul.
L’avis de la Cour de cassation La Cour de cassation a estimé, quant à elle, dans une décision du 17 juillet 2019[2] que les dispositions légales relatives au barème étaient compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention 158 de l’OIT, d’application directe en droit interne, prévoyant une « indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée » en cas de licenciement injustifié. Les décisions de Cour d’Appel étaient donc très attendues suite à la fronde des Conseils de Prud’hommes ayant écarté le barème (liste non exhaustive : Troyes[3], Amiens[4], Lyon[5], Montpellier[6] ou encore Paris[7]). Les premières décisions de la Cour d’Appel Le 18 septembre 2019[8], soit deux mois après les avis rendus par la Cour de cassation, la Cour d’Appel de Paris a validé l’application du barème mais n’a pas exclu la possibilité d’y déroger au cas par cas. Elle a estimé que le plafonnement de l’indemnisation du salarié était adapté à la situation d’espèce, comme le demandent « la Convention OIT et la Charte sociale européenne qui s’imposent aux juridictions françaises ». Quelques jours plus tard, la Cour d’Appel de Reims est venue reprendre ce raisonnement en décidant que de manière générale, le barème était conforme au droit européen et international mais que dans certains cas d’espèce, il était possible de l’écarter[9]. La décision venant préciser la jurisprudence Le 16 mars 2021, la Cour d’Appel de Paris a eu, pour la deuxième fois, à prendre position sur l’application du barème Macron.[10] Se fondant sur les dispositions de l’article 10 de la Convention 158 de l’OIT, elle a décidé d’écarter pour la première fois l’application du barème au profit d’une salariée, estimant que l’indemnisation prévue par le barème n’était ni adéquate ni appropriée en l’espèce, « compte tenu de la situation concrète et particulière » de l’intéressée. Et maintenant ? Il est encore trop tôt pour tirer les conclusions d’une telle décision mais il est évident qu’une tendance semble se dessiner. Dans la continuité de l’approche très pratique dont font preuve les conseillers prud’homaux, les juges professionnels de la Cour d’Appel ont considéré ici que le contrôle « in concreto » deviendrait sûrement le principe dans l’application du barème. A l’image des pratiques en place dans nos CPH, il est donc laissé la part belle à l’appréciation des faits et à la situation du litige pour mesurer au mieux les indemnités auxquelles un salarié peut prétendre.   [1](Cons. const., 21 mars 2018, n° 2018-761 DC) [2] (Cass. avis, 17 juill. 2019, n° 19-70.010) [3] (CPH Troyes, 13 décembre 2018, n° 18/00036) [4] (CPH Amiens, 19 décembre 2018, n° 18/00040) [5] (CPH Lyon, 21 décembre 2018, n° 18/01238) [6] (CPH Montpellier, 17 mai 2019, n° 18/00152) [7] (CPH Paris, 22 janvier 2018 n° 18/00964) [8] (CA Paris, ch. 6-3, 18 sept. 2019, n° 17/06676) [9] (CA Reims, ch. soc., 25 sept. 2019, n° 19/00003) [10] (CA Paris, pôle 6, ch. 11, 16 mars 2021, n° 19/08721) Article rédigé par M Maxence BEAUREPAIRE.